Discours 1e septembre 2024
Inauguration restauration mausolée et site
de l’ancien cimetière franco-allemand du Haut Chemin
Le 22 août 1914, deux jours après la bataille de la Justice dont nous venons de nous souvenir, le Général Joffre lance la 4e Armée du Général de Langle de Cary, aidée par le Corps Colonial, plein Nord entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Meuse. C’est le Plan XVII : Attaquer le flan d’une armée allemande profondément enfoncée en Belgique. De leur côté, les Allemands ont appliqué le Plan Schlieffen : éviter les fortifications françaises à leur frontière commune, foncer plein ouest à travers la Belgique puis se rabattre vers le sud pour prendre l’armée française dans une nasse. Le Plan XVII français répond à cette manœuvre en tentant de couper l’armée ennemie et l’isoler de ses arrières.
Sur une ligne de front d’une centaine de kilomètres, de Maissin au nord à Baranzy au sud, les Français s’engagent dans une quinzaine de batailles meurtrières. La défaite est au soir de la journée. Il s’agira du « Jour de Deuil de l’armée française » comme l’a rappelé J.C. Delhez dans ses ouvrages analysant cette journée : 27.000 soldats français sont tués, rendant, encore à ce jour, le 22 août 1914 la journée la plus meurtrière de l’histoire militaire française.
Revenons à la bataille de Neufchâteau. La 5e Brigade mixte Goullet du Corps Colonial français est composée principalement de 2 régiments d’Infanterie coloniale : les 21e et 23e, soit 6000 hommes. En face, la 21e division du XVIIIe corps de réserve du Général von Steuben bientôt rejointe par les 2 divisions du Corps d’armée. La proportion est de 1 soldat français contre 4 à 5 soldats allemands.
Le 23e R.I.C. se concentre sur le hameau de Malome et les hauteurs de la Hette. Il laissera sur le terrain les 2/3 de ses hommes. Le 21e R.I.C va se déployer, à partir de Montplainchamps, sur le Haut Chemin et vers Le Sart, espérant rejoindre la 3e Division du Corps Colonial venant de Rossignol. Malheureusement, cette division est arrêtée et massacrée à Rossignol et ne pourra venir jusqu’au Sart.
A la fin de la journée, la moitié des troupes françaises manque à l’appel : 1050 tués et 2000 blessés et prisonniers. Du côté allemand, on estime à 1300 le nombre de soldats hors de combat dont plus de 400 tués.
Il y a donc environ 1500 cadavres à enterrer rapidement. Nous sommes en août et la chaleur est intense. Les autorités militaires allemandes réquisitionnent des civils dans les villages environnant les combats afin de creuser des tombes pour inhumer les soldats tués. Comme on est pressé par le temps, on enterre sur place. Parfois isolément ou en petit groupe. Parfois dans une fosse commune. La plupart des Français ne sont pas identifiés, les Allemands se concentrant principalement sur leurs morts.
En 1916, les Allemands décident de créer des cimetières militaires afin de regrouper toutes les sépultures. Dix cimetières de ce genre seront construits autour de Neufchâteau sur les plans d’un architecte rhénan : Ludwig Paffendorf. On retrouve bien souvent une rotonde et des parterres en arc de cercle. Des arbres (bouleaux, tilleuls) sont plantés à l’intérieur, des épicéas entourant les lieux.
Sur ordre de l’administration civile allemande, lors de sa séance du 13 février 1916, le conseil communal de Grapfontaine décide de créer trois cimetières, dont celui du Haut Chemin, avec maintien du petit bois de sapins situé de l’autre côté du chemin de Montplainchamps à Nolinfaing.
Ce terrain communal d’une vingtaine d’ares va accueillir environ 300 tombes de soldats allemands et français. C’est Eugène Goffinet, entrepreneur de travaux publics à Neufchâteau, qui est chargé des travaux relatifs au cimetière par contrat du 27 juin 1917.
Dès 1919, les Français souhaitent identifier le plus possible de tombes, alors que les familles endeuillées viennent en pèlerinage. Le service de presse du Ministère des Chemins de fer belges édite à leur intention une carte des cimetières militaires français du sud Luxembourg vers 1920.
C’est à ce moment que les familles peuvent rapatrier en France leurs défunts, aux frais de l’État français. Les familles allemandes avaient déjà pu le faire pendant la guerre. Vu le succès de l’opération, un regroupement s’impose pour les corps restants, ce qui entraîne la disparition de nombreux petits cimetières en 1923. C’est à ce moment que le cimetière du Haut Chemin est désaffecté.
Seul subsiste le cimetière de Malome, fortement agrandi : il recueille alors les corps de 378 soldats allemands et 289 soldats français.
Sur le site qui nous intéresse aujourd’hui, une nouvelle croix a été placée à la pointe Est dans les années 1990. Une première restauration a été effectuée en 2004, grâce aux Compagnons bâtisseurs et à l’EFT (entreprise de formation par le travail) communale.
En 2022, suite à une mise à blanc de la parcelle, la Ville de Neufchâteau décide d’une opération appelée « Le réveil du mausolée franco-allemand ». Le mausolée a mal vieilli. Les 11 tilleuls, probablement ceux d’origine, sont en bon état, mais leurs racines provoquent des dégâts notamment aux murets et aux escaliers. Ceux-ci sont démontés puis remontés à l’identique avec l’ancienne technique de la pierre sèche. Un aménagement paysager avec une valorisation écologique complète cette rénovation. Ce sont ces travaux que l’on inaugure et fête ce jour.
Merci à toutes celles et tous ceux qui ont œuvré à ce « réveil ».
Bonne visite et bonne découverte.